Récit de Pauline André Dominguez

Visionnaire, inspirant, Jean-Baptiste Libouban est de ceux qui marchent contre le vent. D’un pas toujours aussi ferme, à l’aube de ses 83 ans. Semblable à l’arbre qui résiste au temps. L’histoire de ce “doux bandit”, adepte de la non-violence et de la désobéissance civique, n’a pas pris une ride. Criant d’actualité, l’écho de sa pensée traverse les années. Rencontre dans le Haut-Languedoc, au-dessus de Lodève, avec l’un des premiers pèlerins de la communauté de l’Arche, fidèle à la pensée de Lanza del Vasto, et co-créateur du mouvement des faucheurs volontaires.

 Un matin d’avril 2017, dans le sud-Larzac emmitouflé de brume. Plusieurs heures déjà que Jean-Baptiste attend, entre les murs blancs de la gendarmerie de Béziers. Sept heures de garde à vue pour quelques piquets “volés”. “Les gendarmes, eux-mêmes trouvaient ça excessif alors qu’une pile de dossiers de viols, de détournements de fonds et d’accidents de la route trône sur leur bureau.”

En 2014, avec quelques activistes, il saisit plusieurs piquets (rendus par la suite) sur le chantier d’un futur parc éolien près de Lunas.“Ce n’est pas une histoire de vol, c’est le grand business de l’éolien industriel et l’intimidation de la société civile pour l’empêcher de jouer son rôle de contre-pouvoir”, ajoute l’éternel insoumis, disciple du philosophe italien Lanza del Vasto.“La vie d’un doux bandit est dure à bien mener, disait Lanza. Je me retrouve à être ce doux bandit aujourd’hui”, songe-t-il en me racontant l’histoire depuis son jardin, sur les hauteurs du Parc naturel régional du Haut-Languedoc, où il vit depuis plus de cinquante ans.

Perché à 600 mètres d’altitude, à 18 kilomètres de Lodève (Hérault), le lieu-dit la Fleyssière abrite quatre familles établies dans un ancien corps de ferme. “Doooong…” La cloche annonce 20 heures 30. Les rayons du soleil se retirent alors que s’élèvent ceux du feu allumé au centre du jardin. La lueur sanguine projette ses volutes sur les visages des habitants rassemblés autour du brasier. Jean-Baptiste s’avance enveloppé dans son poncho en laine marron. Main dans la main, ils déclament des textes inspirés de différentes spiritualités. De la Bible au Tao te King de Lao Tseu. Ici, on vit selon les préceptes des communautés de l’Arche fondées par Lanza del Vasto, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale.

 Le grand déclic

Quand Jean-Baptiste croise la route du penseur italien, adepte de la non-violence, ainsi que ses compagnons de l’Arche, il étudie les lois de l’économie de marché à l’École supérieure de commerce de Strasbourg. Dans le foyer des étudiants catholiques de la ville, une affiche annonce une conférence. Le philosophe, dont les écrits le fascinent depuis plusieurs années, se tient là, devant lui. Il a tout juste vingt ans. “Ces gens me touchaient. Il y avait une contestation globale de la société et cette démarche de quête intérieure. D’un seul coup, ça m’a mis en évidence qu’on vivait dans une société établie sur de fausses bases. Cette première approche de l’Arche a provoqué en moi un tel déclic que j’ai changé de voie.”

La suite à lire dans le numéro 6 de la revue Gibraltar.

Commander le N° 6

 

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